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Texte E-R. de Chateaubriand, Les Mémoires d'Outre-Tombe, 1, 3, 7, 1848
Dans le sombre château de Combourg où résident désormais Chateaubriand et sa famille,
François-René ne se sent proche que de sa sœur Lucile, de quatre ans son aînée. Tous deux ner
veux, rêveurs, mélancoliques, ils s'aiment et se comprennent, sans échapper pourtant
au sentiment d'une pesante solitude. Chateaubriand projette le triste souvenir des dernières
années et de la mort de sa sarur, qui s'est sans doute suicidée, sur le portrait qu'il nous fait d'elle
à vingt ans.
Lucile était grande et d'une beauté remarquable, mais sérieuse. Son visage påle était accompa-
gné de longs cheveux noirs; elle attachait souvent au ciel ou promenait autour d'elle des regards
pleins de tristesse ou de feu. Sa démarche, sa voix, son sourire, sa physionomie avaient quelque
chose de rêveur et de souffrant.
Lucile et moi nous nous étions inutiles. Quand nous parlions du monde, c'était de celui que
nous portions au-dedans de nous et qui ressemblait bien peu au monde véritable. Elle voyait en
moi son protecteur, je voyais en elle mon amie. Il lui prenait des accès de pensées noires que
j'avais peine à dissiper: à dix-sept ans, elle déplorait la perte de ses jeunes années; elle se vou-
lait ensevelir dans un cloître. Tout lui était souci, chagrin, blessure: une expression qu'elle cher-
chait, une chimère qu'elle s'était faite, la tourmentaient des mois entiers. Je l'ai souvent vue, un
bras jeté sur sa tête, rêver immobile et inanimée; retirée vers son cœur, sa vie cessait de paral-
tre au dehors; son sein même ne se soulevait plus. Par son attitude, sa mélancolie, sa vénusté²,
elle ressemblait à un génie funèbre. J'essayais alors de la consoler, et l'instant d'après je m'abi-
mais dans des désespoirs inexplicables.
Lucile aimait à faire seule, vers le soir, quelque lecture pieuse : son oratoire de prédilection était
l'embranchement de deux routes champêtres, marqué par une croix de pierre et par un peuplier
dont le long style³ s'élevait dans le ciel comme un pinceau. Ma dévote mère, toute charmée, dis-
ait que sa fille lui représentait une chrétienne de la primitive Église, priant à ces stations appe-
lées laures.
De la concentration de l'âme naissaient chez ma soeur des effets d'esprit extraordinaires : endor-
mie, elle avait des songes prophétiques; éveillée, elle semblait lire dans l'avenir. Sur un palier
de l'escalier de la grande tour, battait une pendule qui sonnait le temps au silence; Lucile, dans
ses insomnies, s'allait asseoir sur une marche, en face de cette pendule: elle regardait le cadran
à la lueur de sa lampe posée à terre. Lorsque les deux aiguilles, unies à minuit, enfan- taient
dans leur conjonction formidable l'heure des désordres et des crimes, Lucile entendait des bruits
qui lui révélaient des trépas lointains. Se trouvant à Paris quelques jours avant le 10 août, et
demeurant avec mes autres sœurs dans le voisinage du couvent des Carmes, elle jette les yeux
sur une glace, pousse un cri, et dit : «Je viens de voir entrer la mort. » Dans les bruyères de la
Calédonie, Lucile eût été une femme céleste de Walter Scott, douée de la seconde vue; dans
les bruyères armoricaines, elle n'était qu'une solitaire avantagée de beauté, de génie et de mal
heur.
Dix-neuf ou vingt ans en réalité (1784).
. Mot emprunté à la langue du xvi siècle.
- Tronc.
Chapelles rustiques.
Rencontre; mais le mot évoque l'astrologie (conjonctions astrales).
Le 10 août 1792 (prise des Tuileries).
Transformé en prison, ce couvent fut le lieu de nombreux massacres en 1792.
L'Ecosse d'Ossian.
Romancier écossais (1771-1832) dont l'influence sur notre romantisme fut considérable. procédé relevé dans le texte.

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